Institut pour l'Etude et la Conservation du Baobab

L’association INECOBA s’intéresse à développer et à promouvoir tous projets qui visent à étudier, protéger et sauvegarder les baobabs qui comptent déjà 6 espèces menacées inscrites sur la liste rouge l’IUCN parmi les 8 représentées dans le monde.

Les baobabs se meurent…

Naguère, on se ressourçait à nos pieds
Aujourd’hui on arrache nos feuilles
Demain nous ne serons plus…

Il n’y a pas si longtemps
J’étais le grand baobab du village,
Un repère dans le paysage de la brousse…
Nombreux venaient s’asseoir à mes pieds
À l’ombre de mes branches feuillues,
Ils prenaient le temps de s’arrêter
De parler et d’échanger…
Je les écoutais, attentif à leur quotidien
Parfois je leur soufflais quelques bribes
De la mémoire du temps…
Ils repartaient, plus sereins, reposés
Plus légers plus heureux
Remplis de la douceur d’avoir rétabli le contact
Avec la terre et sa création…

Naguère, on se ressourçait à nos pieds
Aujourd’hui on arrache nos feuilles
Demain nous ne serons plus…

Maintenant, on ne s’adosse plus à mon tronc,
Dès la sortie de mes premières feuilles
On me grimpe dessus afin de mieux les arracher
Même s’il faut pour cela couper mes jeunes rameaux…
À ces nombreuses déchirures
S’ajoute celle de n’être plus écouté, entendu et compris…
Sans feuilles je ne peux plus m’abreuver
De la puissante énergie de notre frère Soleil

Je ne fais plus d’ombre,
La terre et mon écorce surchauffent
Mes amis les oiseaux ne me visitent plus.
Je ne porte plus de fleurs ni de graines
Le processus de reproduction est interrompu,
Le futur de mon espèce est bien incertain…
Ces feuilles que je laissais aller généreusement
Au fil des saisons, sont devenues monnaie d’échange…
Aucune ne m’est laissée, elles sont trop prisées
Par les commerçants et les gens des villes
Qui se régalent des saveurs que j’ajoute à leurs plats…

Naguère, on se ressourçait à nos pieds
Aujourd’hui on arrache nos feuilles
Demain nous ne serons plus…

Étranges humains qui, par cupidité ou ignorance
Épuisent la ressource qui les nourrit
Sans respecter sa croissance et ses rythmes,


Étranges humains qui, même dans la brousse sahélienne
Ont rompu leurs liens profonds avec la terre et les plantes...
Étranges humains qui ne prennent plus le temps
De s’arrêter, d’écouter et sentir, de se ressourcer…


Mon esprit est devenu plus léger
Mon corps desséché le retient de moins en moins,
J’ai pu ainsi visiter le sahel et mes frères baobabs…
Je ne suis pas le seul à périr lentement,
De plus anciens que moi et même des jeunes
Sont dans la souffrance, sans feuilles et sans fruits,
Ils ont eux aussi perdu de grosses branches…

Naguère, on se ressourçait à nos pieds
Aujourd’hui on arrache nos feuilles
Demain nous ne serons plus…


Triste destin des baobabs,
Asphyxie de géants africains,
Signe d’un temps, fin d’un cycle,
Maladie de la brousse, de la planète et des ses habitants,
Des racines se sont coupées, l’irréversible semble s’installer…


J’étais le grand baobab du village,
Un repère dans le paysage du sahel,
Je ne suis plus qu’un amoncellement informe de bois,
Mes fibres vont retourner à la terre
Qui m’a si généreusement supporté
Durant ma longue existence…
Je suis triste, car ce ne sont pas les années
Mais les humains qui ont eu raison de moi…
Ceux que j’ai longtemps aimés, écoutés et protégés
M’ont arraché à la vie, feuille par feuille…


Naguère, on se ressourçait à nos pieds
Aujourd’hui on arrache encore nos feuilles
Demain est arrivé car je ne suis plus,
Demain est arrivé car beaucoup avec moi ne sont plus…

J’étais le grand baobab du village,
Un repère dans le paysage du sahel
Un lieu de ressourcement et de paix…

Tiawa, Niger, le jour de Pâques 2010, François Clavel Gay.
Sur les photos, le même baobab en 2007 et en 2010 (photos de François Clavel Gay)