Institut pour l'Etude et la Conservation du Baobab

L’association INECOBA s’intéresse à développer et à promouvoir tous projets qui visent à étudier, protéger et sauvegarder les baobabs qui comptent déjà 6 espèces menacées inscrites sur la liste rouge l’IUCN parmi les 8 représentées dans le monde.

Futura Sciences publie régulièrement des actualités de notre association sur son site internet. Retrouvez ici l'article publié autour de la mission DARABAO.

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Alors que des mortalités de vieux baobabs ont été observées, une équipe s'est rendue au Sénégal pour étudier de très près de vieux arbres de très grandes tailles. Déterminer l'âge des baobabs est un exercice délicat, nous explique Sébastien Garnaud, d'Inecoba, mais les méthodes actuelles laissent penser qu'il existe des individus deux fois millénaires !

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Au cours des dernières années, un certain nombre de très grands baobabs africains (Adansonia digitata) sont morts, sans que l’on puisse trouver de réelles explications, diminuant ainsi considérablement la population de ces arbres emblématiques de l'Afrique.

Cette subite mortalité de grands et vieux baobabs a été associée à une période de diminution prononcée des précipitations qui pourrait avoir commencé plusieurs siècles plus tôt.

Un échantillonnage à l'aide d'une tarière dans le tronc du baobab sacré de Warang.
Un échantillonnage à l'aide d'une tarière dans le tronc du baobab sacré de Warang. © Sébastien Garnaud

En 2006, une équipe internationale a été créée, regroupant des chercheurs de différentes nationalités (Afrique, États-Unis, Europe), pour comprendre les raisons de la disparition de ces géants de la savane. Les recherches se sont orientées sur la datation au carbone 14 des plus gros baobabs du continent africain afin de déterminer l'âge limite de cette espèce.

L'étude avait aussi pour objectif de mettre en évidence les variations de croissance de cet arbre au cours de sa longue vie en fonction des fluctuations climatiques et pluviométriques.

À Samba Dia, le baobab possède une large cavité qui permet d’échantillonner directement depuis l’intérieur de l’arbre.
À Samba Dia, le baobab possède une large cavité qui permet d’échantillonner directement depuis l’intérieur de l’arbre. © Sébastien Garnaud

Adrian Patrut, chercheur à l'université de Babes-Bolyai en Roumanie, est le coordinateur principal de ce projet de recherche. Il est l'auteur de nombreuses publications internationales et ses études sur les baobabs en Afrique du Sud ont fait l'objet en 2010 d'un documentaire diffusé sur Arte intitulé : Le Baobab, Géant de la Savane.

Dans les régions tempérées, il est possible de connaître l'âge d'un arbre en étudiant et comptant les cernes annuels de croissance sur une section coupée, une méthode appelée dendrochronologie. Pour les arbres tropicaux, la détermination de l'âge est beaucoup plus difficile et complexe. L'existence de cernes annuels ou saisonniers n'est pas toujours distinguable. En effet, dans les régions où il existe une ou deux saisons des pluies, les arbres feuillus tropicaux montrent des cernes de croissances évidents.

Extraction du carottage réalisé par tarière sur le baobab.
Extraction du carottage réalisé par tarière sur le baobab. © Sébastien Garnaud
En revanche, dans les zones aux saisons moins marquées, voire absentes, les cernes de croissance de ces arbres sont moins distincts, discontinus, très irréguliers, voire absents. Par conséquent, la datation précise des arbres tropicaux via la dendrochronologie n'est possible que dans des cas très limités. De ce fait, l'utilisation du carbone 14 comme méthode directe de datation peut être utilisée, mais le coût élevé de ces analyses ne permet pas de l’employer systématiquement. Le baobab africain est l'un des arbres tropicaux les plus connus et le plus représentatifs de l'Afrique. Le tronc énorme de certains spécimens laisse penser que le baobab a une grande longévité. Le baobab produit des cernes de croissance considérés comme saisonniers. Mais ils ne peuvent pas être employés pour dater ces arbre pour deux raisons :
  • Les cernes de croissance ne sont pas visibles sur l'ensemble du tronc ;
  • La présence systématique de grandes cavités internes empêche un hypothétique comptage.
Les différences de couleur observées sur l’échantillon prélevé par tarière montrent clairement une alternance de niveaux plus clairs et orangés pouvant être interprétés comme des cernes de croissance du baobab
Les différences de couleur observées sur l’échantillon prélevé par tarière montrent clairement une alternance de niveaux plus clairs et orangés pouvant être interprétés comme des cernes de croissance du baobab. © Sébastien Garnaud

Comment faire une datation sur un organisme vivant ?

Plusieurs études ont été effectuées sur différents spécimens africains de baobab pour déterminer l'âge des arbres, obtenir des taux de croissance ou encore pour fournir des informations sur le climat. Mais cette recherche a été limitée à dater des échantillons de bois sur des spécimens morts, qui, de plus, se décomposent très rapidement.

En 2007, deux baobabs très connus en Namibie par leur tronc énorme, le Grootboom et Dorslandboom, sont subitement morts. Des échantillons de bois ont été datés démontrant ainsi pour la première fois que ces arbres pouvaient atteindre plus de 1.000 ans, en l'occurrence au moins 1.275 ans pour le premier. En 2008, ce sont des baobabs vivants qui ont fait l'étude de datation, en prélevant des échantillons à l'intérieur des cavités internes de ces arbres.

L’étude du baobab sacré de Nianing suscite la curiosité des enfants.
L’étude du baobab sacré de Nianing suscite la curiosité des enfants. © Sébastien Garnaud

Il est également possible de procéder à des incisions profondes dans le tronc à l’aide d’une minitarière, ce qui permet de recueillir des échantillons de bois au cœur du tronc. Cette fois-ci, les résultats obtenus de datation montrent que certains baobabs sont âgés de 1.800 ans, ce qui laisse suggérer que les plus vieux baobabs pourraient atteindre plus de 2.000 ans.

De 2006 à 2010, ce sont au total 12 très gros baobabs situés au sud de l'Afrique (Namibie, Afrique du Sud et Mozambique) qui ont été datés. À ce jour, aucun baobab situé au nord de l'équateur n'a été étudié.
Ce gigantesque baobab de brousse près de Nianing qui possède de très puissantes branches a également retenu notre attention lors de la mission Darabao.
Ce gigantesque baobab de brousse près de Nianing qui possède de très puissantes branches a également retenu notre attention lors de la mission Darabao. © Sébastien Garnaud

Le projet Darabao : mieux cerner l'histoire d'un baobab

L’association Inecoba (Institut pour l'étude et la conservation du baobab), en collaboration avec le chercheur Adrian Patrut, a organisé une mission scientifique au Sénégal du 9 au 22 juillet 2011. L’équipe franco-roumaine était composée de 8 personnes dont 5 membres de l’association Inecoba. Ce projet Darabao vise à dater via la méthode du carbone 14 plusieurs baobabs remarquables du Sénégal car aucune datation n'a été réalisée à ce jour. Ce sont des sujets de grande taille ou historiques qui ont été sélectionnés pour cette étude.

Les résultats des datations permettront de déterminer l'âge des arbres sélectionnés, la structure de leur tronc, la variation de leur croissance au cours de leur cycle de vie ainsi que les corrélations possibles avec des fluctuations locales du climat ou des précipitations. Dans un contexte plus général, l'âge des échantillons offrira de nouvelles et intéressantes informations sur la limite d'âge du baobab africain.

Le baobab de Warang, de plus de 30 m de circonférence, montre une structure complexe laissant supposer la présence de plusieurs baobabs fusionnés.
Le baobab de Warang, de plus de 30 m de circonférence, montre une structure complexe laissant supposer la présence de plusieurs baobabs fusionnés. © Sébastien Garnaud

L’étude de ces baobabs devrait permettre de répondre aux questions suivantes :

  • Quel âge ont les baobabs étudiés ? Sont-ils millénaires ou bien multicentenaires ?
  • Les baobabs étudiés ont-ils un tronc unique ou sont-ils le résultat de plusieurs troncs de baobab ayant poussé les uns à côté des autres ?
  • Peut-on corréler les variations des taux de croissance des baobabs avec des fluctuations locales de précipitations ?
  • Avec les résultats obtenus, est-il possible de démontrer des périodes relativement longues de sécheresse au cours des siècles passés dans les secteurs étudiés ?
Baobab de Warang : plusieurs carottages ont été réalisés sur les différents flancs de ce baobab afin de démontrer la présence ou non d’un ou plusieurs troncs fusionnés.
Baobab de Warang : plusieurs carottages ont été réalisés sur les différents flancs de ce baobab afin de démontrer la présence ou non d’un ou de plusieurs troncs fusionnés. © Sébastien Garnaud

Des arbres emblématiques

Au cours des 14 jours de mission, plus de 8 baobabs de circonférence souvent supérieure à 30 mètres ont été minutieusement étudiés et échantillonnés parmi lesquels nous pouvons citer :

  • le Grand baobab de Samba Dia situé entre Joal-Fadiouth et Palmarin, près du village de Samba Dia. Ce baobab mesure 20 mètres de haut et la circonférence de son tronc à 1,30 mètre au-dessus du niveau du sol est d’environ 30 mètres, ce qui actuellement le classe comme le plus gros baobab du Sénégal. Une large cavité interne est accessible depuis la base ce qui a permis d'échantillonner directement depuis l'intérieur ;
  • le baobab du village de Warang ne possède pas de cavité ouverte mais un échantillonnage par tarière a été réalisé sur ses flancs. Cela a permis de récupérer des échantillons de plus de 35 cm de long.
  • Le baobab sacré de Nianing offre une très large ouverture, permettant de récupérer des échantillons de bois prélevés par tarière directement depuis l’intérieur ;
  • les 68 baobabs nains du Parc naturel des îles de la Madeleine (Île aux Serpents). Présents sur une île située au large de Dakar à environ 3,8 kilomètres, ces arbres sont exceptionnels par leur allure avec une base très imposante qui leur permet de résister aux vents violents venus de l'Atlantique. Ils sont souvent qualifiés de baobabs nains et leurs branches rabattues au sol par le vent leur donnent une forme unique au monde. Le plus gros baobab de l’île, le baobab parasol, a été échantillonné. Les premiers résultats sont attendus en tout début d’année 2012 et donneront lieu à plusieurs publications scientifiques.

Signalons que ce projet Darabao a reçu le soutien de la municipalité d'Aulnay-sous-bois, du ministère sénégalais de l’Environnement, de la Protection de la nature, des Bassins de rétentions et des lacs artificiels, de la Direction des Parcs nationaux et de la Direction des Eaux, forêts et chasse du Sénégal.

Le baobab parasol de l’Île aux Serpents possède un puissant tronc dont la circonférence mesurée dépasse les 50 m en prenant en compte les branches rabattues au sol. © Sébastien Garnaud
Le baobab parasol de l’Île aux Serpents possède un puissant tronc dont la circonférence mesurée dépasse les 50 m en prenant en compte les branches rabattues au sol. © Sébastien Garnaud